Conférence organisée par le Mouvement Lao pour les Droits de l'Homme (MLDH)

14 juin 2016 à Paris

Intervention de Anne-Sophie Gindroz,

Auteure du livre ‘' Au Laos : la répression silencieuse''

L'Aide Internationale est-elle Complice de la Répression au Laos?

Clarifier ma position

L'initiative de cette conférence revient au MLDH et je les en remercie. Le MLDH a proposé d'organiser cette rencontre suite à la sortie de mon livre intitulé: “Au Laos, la Répressions Silencieuse”.

Pour celles et ceux qui ne l'ont pas lu, il s'agit d'un témoignage que j'ai écrit suite à mon expulsion du Laos où j'ai travaillé au service d'une organisation suisse de coopération au développement. J'ai souhaité dévoiler une autre facette du pays, mal connue et dont on ne parle pas assez. C'est aussi une façon de rendre hommage aux Laotiens et aux Laotiennes avec qui j'ai eu le privilège de travailler. Et bien sûr, rendre hommage à Sombath, ami et partenaire dans l'action, enlevé une semaine après mon expulsion.

En partageant cette expérience, je souhaite aussi contribuer à une réflexion sur l'aide internationale apportée dans un contexte de répression et sur la façon de s'engager avec un régime autoritaire sans se rendre complice.

C'est l'objet de la discussion d'aujourd'hui. Pour clarifier mon propos:

L'Aide Internationale est-elle Complice de la Répression au Laos ?

C'est une question qui m'a beaucoup préoccupée pendant ces 3 années passées au Laos et qui continue à me préoccuper. C'est une question délicate et je ne prétends pas avoir toutes les réponses.

Quelques mots sur le contexte : Au Laos, la parole n'est pas libre, l'information est contrôlée, les manifestations sont interdites et les associations locales sont soumises à de nombreuses restrictions. Or un développement juste et durable n'est pas possible sans le respect de droits fondamentaux. Ne serait-ce que pour définir ce qu'est un développement juste et durable. Car ce n'est pas aux agences d'aide de la dire, mais c'est bien celles et ceux qui sont supposés en profiter. Comment y parvenir si on ne peut pas s'exprimer librement, si on ne peut pas s'organiser pour se concerter, si on ne peut pas accéder à une information plurielle, et si on n'a pas le droit de ne pas être d'accord ? (Le Président du Laos a récemment appelé les citoyens à faire un usage correct de leurs droits démocratiques)

Décalage entre certaines politiques et les aspirations de communautés locales. Ceci est illustré par exemple par la politique de conversion de la terre en capital et aussi cette ambition du pays de devenir la batterie du Sud-Est asiatique, et sa politique de construction de barrages.

Reportage ARTE https://www.youtube.com/watch?v=LSEI58ZWQzA (minute 15'30 -21'30)

Parole de paysan dont le village a été déplacé : "Le but du programme [de réinstallation] est d'améliorer nos conditions de vie, mais en réalité les choses empirent. Dans le vieux village, nous étions pauvres, mais d'une certaine façon, nous ne l'étions pas parce que nous avions la terre, le bétail et la nourriture. Le gouvernement a de nouvelles politiques pour que nous élevions des poulets et d'autres activités. Si nous avons du riz, alors nous aurons l'énergie pour élever des poulets, des canards, et planter des légumes. Mais qui s'occupera des poulets et des canards si nous devons aller en Thaïlande pour travailler et gagner l'argent pour acheter du riz?! "

C'est justement pour cela que le travail réalisé par Sombath Somphone est essentiel : il a mis sur pied la première organisation non-gouvernementale au Laos, a œuvré comme éducateur pour développer l'esprit critique des jeunes, il a ouvert des espaces de réflexion et de discussion autour de la question du développement durable.

Pour revenir à la question qui nous préoccupe aujourd'hui, j'ai, au fil de cette expérience au Laos, acquis certaines certitudes. Et je vais les partager à l'aide d'exemples vécus, et commencer par vous livrer mes conclusions sur cette question:

Car ici non plus votre silence n'est pas neutre. On dit d'ailleurs « qui ne dit mot, consent » : c'est-à-dire que vous validez un discours officiel et que vous participez activement à entériner une certaine version de la réalité. Ce qu'il faut comprendre, c'est que cette attitude ‘conciliante' a des effets au-dehors de la salle de réunion . Au moins à deux niveaux :

Il ne faut pas sous-estimer la présence d'éléments progressistes au sein des organes du gouvernement, du parlement, des organisations de masse qui pourraient trouver dans le propos critique d'un partenaire au développement matière à agir à l'interne, à son niveau…

Mais au lieu de montrer le bon exemple et d'ouvrir une brèche, votre silence vient solidifier un peu plus le mur qu'un régime autoritaire s'emploie à construire autour de tout sujet dit sensible.

Car souvenez-vous, votre silence a confirmé votre adhésion à une certaine version de la réalité et donc légitime la réaction de l'autorité contre « les fauteurs de troubles » qui viendraient contester cette version de la réalité, et qui n'ont pour autre objectif que de « nuire à l'image du Laos ».

Chacune de vos actions et omissions participe à forger un positionnement. En passant sous silence des problèmes et des abus qu'on a l'occasion de discuter, on adhère à un discours officiel qui servira ensuite à museler toute voix dissidente. Et c'est là que l'attitude conciliante bascule dans la complicité.

Ce sont ces aspects de mon travail au Laos que j'ai tenté de mettre en évidence dans mon témoignage « Au Laos : la Répression Silencieuse ».

Cette répression est silencieuse parce que d'une part on n'en parle pas (ou pas assez), mais aussi parce que c'est une répression qui s'exerce par la peur, en imposant le silence à toute voix dissidente.

Favoriser le Respect des Droits de l'Homme en travaillant au Laos

Les partenaires au développement peuvent-ils jouer un rôle positif et agir en faveur d'un meilleur respect des liberté fondamentales au Laos ? Je le pense.

Mais il faut d'abord accepter cette possibilité que l'aide internationale puisse être complice, avoir le courage et l'honnêteté de s'interroger sur sa propre action (ou omission) pour s'engager à utiliser cette marge de manœuvre que l'on peut se ménager et explorer la zone grise (ces zones de tolérance, où il n'y a pas d'interdit formel mais où il n'y a pas non plus d'approbation officielle…).

Bien sûr, chaque institution définit sa politique dans le domaine et chaque individu se fixe les limites jusqu'auxquelles il ou elle est disposé/e à s'engager en fonction des risques. Mais il ne faut pas oublier que les risques encourus par les partenaires internationaux seront toujours moindres que ceux auxquels sont exposés les partenaires locaux. Et que finalement en tant qu'agence d'aide dans un pays comme le Laos, le risque de faire faux en ne tentant rien est plus grand que le risque que l'on peut prendre à essayer de faire juste.

Alors comment travailler dans un pays totalitaire ? 

Il y aurait tant de choses à dire ici. Je vais résumer ma pensée en 5 points. Et je dirais qu'il faut d'abord :

  1. Connaître le contexte  : Dans un pays comme le Laos, c'est ce qu'on ne vous dit pas qui est important . Ça demande des efforts supplémentaires dans un contexte où les organisations droits de l'homme ne sont pas autorisées ! D'où l'importance du rôle du MLDH et d'autres associations qui documentent ce qui se passe au Laos. Et il est important de ne pas s'en tenir qu'aux rapports parfois conciliants ou partiels des agences d'aide.

Les droits de l'homme ont à voir avec le développement (et pas que dans les préambules des accords qu'on signe avec le gouvernement, mais doivent se traduire dans des actions que l'on mène). Les agences d'aide et les organisations internationales qui travaillent au Laos ne doivent pas sous-estimer la situation et comment l'absence de liberté d'expression, les restrictions imposées à la société civile, le contrôle absolu sur les médias et l'information sont autant d'obstacles à un développement durable et équitable.

Bien connaître le contexte, ça évite aussi de commettre l'erreur des bilans trop flatteurs. C'est vrai que les acteurs de l'aide sont en concurrence auprès des donateurs pour financer leurs projets. Et c'est vrai que ça peut amener à promettre des résultats irréalistes pour « prouver qu'on peut faire mieux que les autres ». Mais attention aux rapports qui tendent à gonfler les résultats et l'impact positif de l'aide.

Une citation toute récente à propos d'un projet au Laos (oui d'accord, prise hors de son contexte, mais quand même !) :

 «  La spirale de la misère, de la mauvaise alimentation, de la maladie et de la résignation a été rompue. »

Ce genre de rapport dithyrambique, en exagérant les changements positifs, contribue à fausser la réalité et participe à occulter certains problèmes (et à redorer l'image du gouvernement !)

  1. Modèle de développement  : De grand débats ont beaucoup agité la communauté internationale sur l'efficacité de l'aide. On en a tiré un certain nombre de principes et le premier concerne l'appropriation démocratique. À savoir qu'on a reconnu que l'agenda du développement pour porter ses fruits, doit intégrer les aspirations de la population (et ne pas être défini uniquement par leurs dirigeants). Cela nécessite la diffusion de l'information et la création d'espace de dialogue inclusif. C'est exactement ce qu'avait fait Sombath avec la Vision Lao, en organisant des consultations dans toutes les provinces du pays en 2012, avant sa disparition !

J'avais un jour interpellé un représentant de la Banque Mondiale au Laos pour lui demander si dans le cadre de l'évaluation des politiques, il ne serait pas bon d'ajouter un critère sur le processus démocratique : à savoir que la politique ainsi financée soit issue d'une concertation de sorte à accommoder les aspirations de celles et ceux censés en bénéficier. Il m'avait ri au nez…

Il faut en tout cas s'abstenir de promouvoir un développement qui crée de la pauvreté. Ce qui se passe avec les évictions foncières dans le cadre d'un soutien à la croissance économique basée sur l'exploitation des ressources naturelles (mines ou plantations industrielles). Il y a au Laos l'épineuse question des barrages et de l'appui financier et technique apportés par des agences d'aide et des institutions financières internationales à la réalisation de tels projets. Et comme j'ai pu l'observer, ces partenaires ont ensuite une fâcheuse tendance à se livrer à leur propre propagande sur les effets positifs de leurs actions… ce qui dans un contexte comme le Laos a pour effet de dissuader davantage la critique et d'empêcher un débat ouvert et franc sur l'impact réel de ce type d'intervention.

  1. Diversifier ses partenariats  : Lorsque vous travaillez dans un pays totalitaire, vous devez être extrêmement prudents dans la façon dont vous choisissez vos partenaires, de sorte à renforcer les acteurs plus progressistes au sein du gouvernement et veiller à diversifier vos partenariats pour soutenir aussi des associations locales, favoriser un dialogue, faciliter l'accès à l'information… Pour revenir au thème de cette conférence, il y a un risque accru de complicité à s'engager uniquement avec des institutions gouvernementales.

Ce qu'on observe au Laos (et ailleurs aussi), c'est ce rapprochement entre les acteurs de l'aide et le secteur privé des affaires. Et ce au détriment des acteurs de la société civile. Ceci se reflète dans la Déclaration de Vientiane adoptée par le gouvernement laotien et ses partenaires au développement : un chapitre entier est dédié au business où l'on reconnaît la contribution significative des entreprises privées et où l'on s'accorde à dire que plus doit être fait pour faciliter le monde des affaires. Mais créer un environnement attractif pour les investisseurs signifie en particulier au Laos restreindre l'exercice de droits fondamentaux (comme la liberté de réunion, d'association, d'expression, l'accès à l'information ...) et passe par une application très partielle des lois et décrets en matière de protection des travailleurs et de sauvegarde de l'environnement .

Et dans l'agenda du business, les pauvres sont perçus comme des consommateurs, des fournisseurs, des producteurs, mais pas assez comme des paysans revendiquant leurs terres, des travailleurs avec des droits et des citoyens avec une voix.

Cet attrait pour les partenariats public-privé oriente les programmes d'aide (priorité à des programmes de croissance économique, de commerce, d'agriculture…) et se traduit dans la mise en place de services pour favoriser les investissements étrangers (conseil au commerce, business matchmaking, market intelligence, diplomatie commerciale…). On ne trouve pas d'équivalent en faveur d'organisations de la société civile (pour faciliter les négociations des ONG avec le gouvernement laotien, l'obtention de permis opérationnels, ou des accords de projets…). Or l'appui à la société civile locale est indispensable quand vous avez une telle concentration des pouvoirs entre les mains d'une élite politique.

  1. Les approches et modalités de l'aide : le soutien aux associations locales est aussi entravé par le fait que les agences d'aide privilégient des appuis budgétaires et des “gros” contrats. Travailler avec les associations locales est souvent compliqué et coûteux en termes de gestion (micro-management : beaucoup de contrats avec des petits montants). Dans les agences d'aide, on préfère travailler avec les partenaires qui ont une plus grosse capacité d'absorption… D'où aussi le côté pratique des accords avec des Ministères pour financer une politique sectorielle.

L'appui budgétaire n'est ni bon ni mauvais en soi. C'est juste une façon de dépenser de l'argent. En fait ce serait la formule idéale si on avait à faire à un gouvernement légitime, c'est-à-dire élu démocratiquement, pour financer une politique qui intègre les aspirations de la population, c'est-à-dire issue de larges consultations, et que la gestion des finances publiques est transparente et sans corruption. Malheureusement ces conditions sont rarement réunies…

Pour les agence d'aide qui travaillent avec des associations locales, il est important d'ouvrir des espaces de dialogue avec des organisations laotiennes, pas seulement pour parler rapports financiers, mais pour mieux comprendre l'environnement dans lequel ces organisations opèrent et les défis auxquels elles sont confrontées (procédure d'enregistrement très intrusive avec des contrôles de police, des demandes de changer le nom, l'objectif de l'organisation ou certains de ses membres, puis ingérence dans les activités de l'organisation... ). Les informations échangées pourront ensuite nourrir le dialogue politique et des appuis être octroyés pour négocier avec les autorités. La Commission Européenne par exemples a une ligne budgétaire pour des actions dans le domaine de la démocratisation et des droits humains. Mais la CE se préoccupe-t-elle assez des problèmes que ceux qui reçoivent ses financements ont ensuite pour justifier leurs activités auprès des autorités ?

  1. Les occasions manquées et les silence complices : Beaucoup de prétextes sont invoqués pour ne pas s'engager sur les questions de droits humains : « on fait du développement, pas des droits de l'homme », « on n'est pas des activistes ! », « on privilégie nos projets sur le terrain », « on veut garder nos bonnes relations avec le gouvernement »…

Voyez-vous dans ce monde de la coopération au développement, on passe beaucoup de temps dans des salles de réunion. Mais c'est aussi là que l'on peut œuvrer favorablement. En participant à une rencontre, on engage sa responsabilité.

Ça commence par l' agenda  : lorsque l'agenda ne couvre pas certaines questions essentielles et qu'on ne le soulève pas, on participe activement à les occulter .

Ensuite les participants: lorsqu'une discussion se tient en l'absence d'acteurs de la société civile et qu'on manque de le relever, on adhère à cet état de fait.

Enfin, la qualité des discussions  : lorsque le sujet débattu ne l'est que superficiellement ou que partiellement, et qu'on n'aborde pas les aspects passés sous silence, on accepte qu'ils soient ignorés. C'est le poids du silence.

Trop de représentants d'agences assistent à des réunions sans prendre la parole. Ils en acceptent ainsi les termes, la composition et l'agenda.

Les silences complices face aux abus  : lorsqu'un programme radio populaire est interdit ou que des villageois sont arrêtés pour avoir réclamé des compensations suite à l'accaparement de leurs terres, que des personnes disparaissent pour s'être exprimées , il faut utiliser l'aide comme un levier et mobiliser ses relations avec le gouvernement pour soulever ces problèmes, s'attaquer à ces abus.

Garder le silence n'est jamais neutre. Le silence, c'est prendre parti. Pour les oppresseurs.

Un mot encore à propos de la corruption : être peu regardants ou tolérer certaines pratiques dans le cadre de ses propres projets participe à la corruption. Tolérer les mauvaises pratiques (ça commence par des facturations un peu fantaisistes, des petits détournements, des frais indûs…) nourrit la corruption. Surtout dans un pays sans contrôle citoyen et où la notion de « rendre des comptes » est à géométrie variable…

Dans le cadre de tout projet, il est possible de promouvoir des bonnes pratiques et de donner l'exemple en invitant des membres de la communauté dans laquelle on travaille à assister aux réunions avec les partenaires gouvernementaux. Même si ces personnes ne prennent pas la parole, c'est utile pour ce que qu'elles pourront y entendre. On favorise l'accès à l'information et on encourage le dialogue entre autorités et population. Ainsi on peut promouvoir un peu plus de transparence et « accountability ». Et dans mon expérience, les délégations de villageois se sont montrées plutôt actives à ces occasions !

La Culture de la Peur au Laos

Les abus des droits humains sont perpétrés partout dans le monde. J'ai passé la majeure partie de ma vie professionnelle dans des pays totalitaires, dirigés par un dictature militaire (dix ans dans l'Indonésie du général Suharto) ou par un parti unique (comme en Chine et au Laos) et j'ai connu la Birmanie avant que le pays ne s'ouvre.

Mais il y a au Laos cette culture de peur qui aggrave encore le déséquilibre des forces, l'absence de contre-pouvoir, de débat démocratique et de contrôle citoyen. J'ai tenté dans mon livre de mettre en évidence comment opèrent ces forces et les rouages de la peur, un climat entretenu et alimenté, car c'est un puissant instrument de contrôle lorsque par la peur, vous arrivez à pousser les gens à s'auto-censurer, à taire ce qui leur tient le plus à cœur et à détruire ce qui leur est le plus cher.

Cette culture de la peur fait qu'il est plus commode d'ignorer certaines choses au Laos et plus facile de justifier son silence. Y compris pour les internationaux qui y travaillent…

Mais il faut réagir. Il faut parler de ce qui se passe. C'est la seule façon de faire comprendre à un régime autoritaire qu'il est moins préjudiciable à son image d'affronter la critique que d'être critiqué pour n'en tolérer aucune.

Faut-il encore y croire ?

On me demande parfois si j'y crois encore. Oui, bien sûr que j'y crois! Pas parce que je considère que l'aide est la solution, mais parce qu'il y a au Laos et ailleurs des hommes et des femmes qui s'engagent et qui chacun à leur niveau, avec leur moyens, oeuvrent pour des lendemains meilleurs. Sombath continue à être une source d'inspiration et un exemple pour beaucoup au Laos et au-delà.

Ceux qui se battent pour plus de justice, pour un développement durable, pour le respect des droits fondamentaux méritent mieux que le silence . Surtout lorsqu'ils deviennent les victimes de la répression.

Les évictions foncières et la criminalisation de ceux qui s'y opposent

On fait généralement encore l'erreur de penser que la sécurité alimentaire passe par l'industrialisation de l'agriculture. Tout récemment le Parlement Européen a reconnu que c'est une erreur. On s'en serait rendu compte bien plus tôt si on avait donné la parole aux paysans au lieu d'écouter les économistes. Favoriser les plantations industrielles et les grosses compagnies d'agribusiness pour réduire la pauvreté, ça veut dire encourager la monoculture sur de vastes étendues de terre qui sont des champs, des pâturages, des forêts dont dépendent des communautés locales. Pour assurer la sécurité alimentaire, il faut investir dans les petits paysans qui produisent déjà la majeure partie de l'alimentation mondiale. Mais il est vrai que l'agriculture de subsistance n'est pas comptabilisée dans le PNB…

L es terres allouées pour des projets de développement économique sont presque toujours habitées par des populations locales. U ne étude conduite dans huit pays de forêts tropicales et portant sur 73 000 sites d 'ex traction minière , d 'exploitation forestière, d e forage d e pétrole et d e gaz et de plantations industrielles a révélé que plus de 93 % de ces concessions ont été allouées sur des terres habitées par d es peuples autochtones et d es communautés locales. Seules 7% de ces opérations d'exploitation se déroulent sur des terres inhabitées. Ceci explique le nombre toujours croissant de conflits opposant des compagnies et des populations locales dans cette concurrence globale pour les ressources naturelles. [i]

De janvier à juin 2015, il y a eu en moyenne six personnes tuées chaque mois en Asie et en Amérique latine en relation avec des conflits fonciers. Ceci ne tient pas compte des tentatives d'assassinat. Mais ces chiffres sont bien en dessous de la vérité: ils ne concernent que l'Asie et l'Amérique latine et ne répertorient que les cas connus. Car il ne faut pas oublier que la plupart de ces meutres sont commis dans des zones pas toujours faciles d'accès : pour les six permiers mois de 2015, 90% des victimes appartiennent à des peuples autochtones qui vivent dans des espaces mal connectés au reste du monde, ciblés parce qu' ils s 'opposent à des opérations minières , à l'exploitation forestière ou à des plantations industrielles sur leurs terres ancestrales .

Bien qu'incomplètes, l es données compilées fournissent un aperçu alarmant de la souffrance endurée par des peuples autochtones et des communautés paysannes. Et la tendance est à l'aggravation du phénomène . Car il y aurait dans ce monde 2,5 milliards d'individus - y compris 370 millions appartenant à des peuples autochtones - qui dépendent directement de leurs terres, de leurs forêts et de leurs ressources naturelles qu'ils utilisent et gèrent de façon collective. Ils contribuent ainsi à protéger plus de 50% de la surface terrestre. Mais ils n'ont de droits formellement reconnus que sur 10% de ces terres. Ce qui expose un tiers de la population mondiale à un risque d'accaparement des terres par des acteurs plus puissants. Voilà pourquoi le nombre de personnes tuées, disparues, torturées, arbitrairement arrêtées, faisant l'objet de fausses accusations, détenues de façon abusive, harcelées ou menacées dans le contexte des luttes pour le droit à la terre est en constante augmentation.

Au Laos, cette réalité prend une dimension plus dramatique  : car les personnes touchées ne peuvent pas s'organiser collectivement pour défendre leurs droits. Les personnes qui s'opposent à des évictions foncières ou qui réclament des compensations équitables s'exposent à des risques importants , pouvant être accusées d'opposition à une politique du Parti et de nuire à sa réputations : et si elles sont arrêtées, elles sont traitées comme des ennemis de la nation et n'auront pas accès à un avocat ni à un procès équitable.

C'est pour cela que la contribution de Sombath est essentielle : en permettant aux gens de s'exprimer sur ce qui rend heureux ou malheureux, il a permis l'émergence de la Vision Lao du Développement. Au lieu d'être un document banni, ce devrait être une référence, une source d'inspiration pour les développeurs au Laos, car il reflète les aspirations de la population dans sa diversité.

Film sur Sombath (extrait Happy Laos).

La Disparition de Sombath Somphone

L'enlèvement de Sombath a eu lieu il y a plus de trois ans. Oui, il y a bien eu des réactions (surtout dans les capitales étrangères), mais finalement, cette disparition forcée semble avoir eu peu d'incidence sur la pratique de l'aide au Laos : c'est business as usual, avec des budgets en augmentation… N'est-ce pas là encore une façon de favoriser l'indulgence de la communauté internationale ?

Pour préciser ma position: je ne suis pas et n'ai jamais été en faveur d'un retrait total de l'aide . Je pense que ce genre de mesures risque d'affecter davantage des populations vulnérables qu'une élite politique. (Bien que l'on puisse toujours s'interroger sur les effets de l'aide qui contribue à maintenir au pouvoir un certain régime…)

Par contre, je suis convaincue (et encore plus après cette expérience laotienne) que l'aide internationale qui ne prend pas en compte la situation des droits de l'homme et qui reste silencieuse face aux abus va en aggraver le problème.

Dans le cas de Sombath et des autres aussi, car il n'est malheureusement pas le seul à avoir été victime de disparition forcée, il est impératif que la communauté internationale présente au Laos condamne clairement sa disparition forcée. Ce n'est pas suffisant de demander une enquête sérieuse . Pour les victimes d'abord. Mais aussi pour défendre le travail que Sombath a effectué et défendre son héritage dans le domaine du développement durable.

On ne peut pas laisser la propagande salir la contribution inestimable de Sombath à son pays, et justifier par des rumeurs calomnieuses un motif fallacieux à son arrestation par la police, jusqu'à en faire un sujet tabou au Laos.

Une condamnation claire de son enlèvement est aussi indispensable pour légitimer l'engagement de celles et de ceux qui poursuivent le travail de Sombath au Laos . Et qui courent des risque bien réels dans le Laos d'aujourd'hui.

Mots de la fin

Pour celles et ceux qui continuent à oeuvrer pour le respect des droits fondamentaux et pour plus de justice dans ce monde :

Il y a ceux moins nombreux qui s'engagent cœur et âme

Ceux dont les convictions, les valeurs sont les armes

Ceux qui doutent, s'interrogent, ne se donnent pas de limites

Ceux qui refusent les modèles où chacun s'imite.

C'est à ces hommes, ces femmes que je dédie ces mots

Pour que jamais leur flamme ne s'éteigne trop tôt

Gardez votre sagesse et votre humilité

Car elles sont bien trop rares dans ce monde agité.

Et pour mon ami Sombath en particulier (et en anglais) :

They keep saying they don't know

They keep saying they're investigating

It is more than three years now

For answers we are still waiting

So many have been asking

“Where is Sombath?” to no avail

From everywhere calls are coming

But in Laos silence prevails

How long will this take

For the truth to be said?

How long will this take

For justice to be made?

They should know, let's make it clear

That time will not weaken us

They should know, let us not fear

That we will never give up.


Anne-Sophie Gindroz

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conference organized by the Lao Movement for Human Rights

 

14 June 2016

Is International Aid Complicit in the Repression in Laos?

 

To Clarify my position

The MLDH proposed to organize this conference following the publication of my book “Laos, the Silent Repression”. I wrote this testimony after my expulsion from Lao PDR end of 2012 to talk about a dark side of this country that is not enough heard about. I worked for 3,5 years in Laos as Country Director for a Swiss development organization. This book is also a way to pay tribute to the Lao men and women I had the privilege to work with and of course, to pay tribute to Sombath Somphone, friend and partner in action, who was abducted one week after my expulsion.

By sharing this experience, my hope is also to stimulate some reflection on international aid brought in a context of repression and on how to engage with an authoritarian regime without becoming complicit.

This is the purpose of the discussion today. To clarify my position :

•  I am speaking from the perspective of development cooperation, because this is where I come from, and find some legitimacy to talk about.

•  My intention is not to judge anyone: neither aid agencies, nor the Lao government.

•  This is not a revenge, nor an anti-government campaign (something I was accused of in Laos, so you will understand that I am not going to give any argument to the Lao regime to confirm such accusation).

•  However this does not prevent me from being critical and there are facts that are speaking for themselves (see latest forced public confessions and apologizes by three young Laotians arrested for posting critical comments on social network).

•  Here I hope that beyond the political opinions everyone is free to form and express, there is a space for an open and honest debate on the role of the international cooperation in Laos.

 

 

Is International Aid Complicit in the Repression in Laos ?

This is a question that I have been and continue to be very concerned with. It is a complex one and I do not claim having all the answers.

But just a few words about the context : In Laos, speech is not free, information is under control, demonstrations are forbidden, and many restrictions are imposed on local associations. Just and sustainable development can not be achieved where basic rights are not respected. Because it is not up to aid agencies to define what is a just and sustainable development. It is up to the people who are supposed to benefit from it. But how to get there if people cannot speak freely, cannot get together to defend their interest, cannot access a plural information and if you do not have the right to disagree  ? (Recently the Lao President reminded the Lao Front about its mission to ensure that ‘citizens are using their democratic rights correctly').

This is resulting in a discrepancy between the official narrative of development and local communities' aspirations, as exemplified by the “Turn Land into Capital” policy or this ambition of the Lao regime to become the “Battery of South East Asia” with the construction of large hydropower dams.

Reportage ARTE https://www.youtube.com/watch?v=LSEI58ZWQzA (minute 15'30 -21'30)

Words of Lao farmer in resettled village: "The aim of the [resettlement] program is to make people better, but in reality things are getting worse. In the old village we were poor, but in another way we were not poor because we had land, livestock and food. Some officials from the district and province— they have new policies [for us] to raise chicken and other activities. If we have rice, we can do these other things— then we will have energy for raising chickens, ducks, and planting vegetables. They want us to raise chickens and ducks-- but who will look after the chickens and ducks if we need to go to Thailand to work for money to buy rice ?!"

Hence the importance of Sombath Somphone's work : he set-up the first non-governmental organization in Laos, worked as an educator to foster critical thinking in the mind of younger generations, and has conducted consultations in all the provinces on the issues related to sustainable development.

 

To come back to this conference main topic, I have through my experience in Laos come to a number of conclusions that I am sharing with you, using real examples:

•  When a big aid agency is organizing an event to celebrate the Freedom of Press and gives the floor to the Lao government without saying a word about the restrictions imposed on the media in Laos, the answer is yes . Yes this aid agency is complicit of the repression, because keeping silent is not neutral :

•  First, this big aid agency has allowed the Lao regime to stand out favorably by inviting its representatives to celebrate together a freedom that they seek to flout (in this case a popular radio program had just been shut down after broadcasting testimonies of villagers whose land was grabbed for an industrial plantation).

•  Then by offering a stage to the authorities to justify the closure of a radio program, this aid agency is encouraging indulgence towards abuses against freedom of expression.

•  When aid providers are attending a meeting on governance with Lao officials and that no one is raising the issue of corruption, again they do contribute to aggravate the problem. Because silence is not neutral. By ignoring the problem of corruption, aid agencies are adhering to a certain version of the reality. And this conciliating attitude is having implications outside of the meeting room , at least in two ways:

•  First, this silence is setting a dangerous precedent: as representative of an aid agency or an international organization, your silence is going to discourage others to raise a problematic issue . I am thinking in particular about local civil society, Lao associations, but also journalists and external observers. Besides, we should not underestimate the presence of progressive elements within the government bodies, parliament, mass organizations who could feel empowered by the critical words of a development partner to act internally at his/her level.

But instead of setting a good example and open a window, your silence solidifies this wall that an authoritarian regime is building around any so-called sensitive issue.

•  Then by strengthening the position of the authorities who have ignored certain issues, you are also strengthening their stand when they act against those who would like to disclose problems « that do not exist ». Those who dare to challenge the authorities are then labelled as “trouble-makers” who have no other objective than “to damage the image of Laos”.

Every action or omission contribute to form your positioning. By keeping silent, o ne adheres to an official speech that will then be used to silence dissident voices. This is where a conciliating attitude becomes a complicit one.

These are aspects that I have tried to highlight in my testimony “Laos, the Silent Repression”. This repression is silent, because we do not talk about is. But it is also silent because it is a repression by fear.

The Culture of Fear in Laos

Human Rights abuses are happening everywhere in the world. I spent most of my professional life in authoritarian countries, under military dictatorship (10 years in Indonesia under General Suharto), or single political party regime (in China and Laos) and I have known Burma before it started to open up.

But there is something particular in Laos: this culture of fear which is aggravating the imbalance of powers and the lack of democratic debate.

I have tried to describe in my book how these forces operate and how this climate of fear is being maintained and fed. Because it is a powerful instrument of control when by fear people are practicing self-censorship, keeping silent on what is dearest to their heart and destroying what they cherish most.

Under a culture of fear, it is more convenient to ignore certain things and easier to justify one's silence. Including for foreigners working in Laos… But it is necessary to react and speak out. It is the only way to bring an authoritarian regime to understand that it is less damaging to its reputation to address criticisms than to be criticized for not allowing any.

Promote Respect for Human Rights while Working in Laos

Can development partners play an active role in promoting better respect for basic freedoms in Laos ? Yes, I do think so.

But this requires first to accept this possibility that international aid may be complicit, to have the courage and honesty to take a critical look at our own actions (or omissions), in order to use our margin of maneuver and explore this grey area (zone of tolerance where things are neither formally prohibited, nor officially approved).

Of course each institution has its own policy and every individual defines his/her engagement considering the risks involved. But don't forget that the risks to international partners will always be less than those faced by local partners . And finally as an aid agency in a country like Laos, the risk to do wrong by doing nothing is greater than the risk taken to try to do right.

So how to work in an authoritarian country? There would be so much to say here. But I will summarize my thoughts in five points. I would say first :

•  Know the context  : In a country like Laos, what you are not being told matters more. It requires some efforts in a country where no Human Rights organization is allowed. But it is clearly not enough to simply listen to official discourse or only read development partners' reports.

Human Rights are relevant to development (and not only as vague commitments in in preamble of agreements signed with the government, but have to translate into actions). Aid agencies and international organizations should not underestimate how the lack of freedom of expression, the restrictions imposed on civil society, the absolute control over media and information is affecting their ability to work for a fair and sustainable development in Laos.

Knowing the context will also prevent the mistake of the « overpraising reports ». It is true that development actors are competing to secure funding. And it is true that this can lead to promise unrealistic results to demonstrate that “we are doing better than the others”. But be aware of the reports overrating the positive impact of aid. Just one recent example quoted from an international organization report (I confess this is out of context, but it illustrates my point):

How can you write about a project that: "The spiral of poverty, poor nutrition, disease and resignation has been broken."

This kind a flattering report, by exaggerating positive changes achieved is distorting reality and contribute to hide certain problems (and to improve the image of the government!)

•  The development model  : There have been many debates about aid effectiveness and one big principle agreed upon by international community is the democratic ownership, meaning that for development to be successful it needs to integrate the aspirations of the population (not only those of the government). This requires information to be disclosed and space created for inclusive dialogues. This is precisely what Sombath had been doing in 2012 before he disappeared, by organizing consultations throughout the country which resulted in the Lao Vision Statement.

Development can be many things. When it translates into large-scale mining extraction, industrial plantations, hydropower dams or logging concessions, it is affecting local communities who are depending on the same resources for their livelihood. Development creates poverty when it pushes people out of their land for corporate to exploit natural resources. I would like to come back to the hydropower dams in Laos, and the technical and financial support provided by aid agencies and international financial institutions to such projects. What we observe in Laos is that these agencies and institutions tend to conduct their own propaganda on the positive effects of so-called model dam. Which in a context like Laos is deterring criticism and hampering any open debate on the real impacts of such interventions.

•  Diversify partnerships : When engaging in an authoritarian country, you have to be extremely cautious how you chose your partners, so as to support the more progressive elements within the government. When you work in a country where all powers are concentrated into the hand of a few, you have to diversify your partnerships and also engage with civil society actors. If you partner exclusively with government institutions, you will aggravate the asymmetry of powers, and greater is the risk of becoming complicit of the repression.

What we observe in Laos (and in other countries) is this increasingly closer cooperation between aid agencies and private business sector, sometimes to the detriment of civil society. This is reflected in the Vientiane Declaration adopted by the Lao government and its development partners: a whole chapter is dedicated to business, acknowledging the significant contribution of private enterprises and stating clearly that more must be done to facilitate the business world. But creating an attractive environment for investors means in particular in Laos restrict the exercise of fundamental rights (such as freedom of assembly, association, expression, access to information ...) and leads to a very partial implementation of laws and decrees on workers protection and environmental safeguards.

In the business agenda, the poor are seen as consumers, suppliers, producers, but not as farmers claiming their lands, workers with rights or citizens with voice.

This trend for public-private partnerships is shaping assistance programs (priority to economic growth, trade, agriculture ...) and is reflected in the establishment of services to promote foreign investments (trade counseling , business matchmaking, market intelligence, commercial diplomacy ...). The equivalent for civil society organizations does not exist (to facilitate NGOs negotiations with the Lao government, obtain operational permits or project MoUs ...). But support local civil society is essential when you have such a concentration of power in the hands of a political elite.

•  Aid modalities and approaches: the support to local associations is also prevented by the fact that aid agencies usually favor budget aid and « big contracts ». To engage with local associations bears higher management costs (many small contracts, micro-management…). Aid agencies prefer to work with partners having bigger absorption capacity, hence the sectorial approaches with Ministries to provide budget aid.

Budget aid is neither good nor bad in itself. It is just a way to disburse money. Actually it would be the ideal option if 1) the government in place is legitimate and democratically elected, 2) to fund a policy issued of broad consultations that integrates the aspirations of the population, and 3) that public finances management is transparent and free of corruption. Unfortunately, these conditions are rarely met...

For aid agency working with local associations, it is important to open spaces for dialogue with the Laotian organizations , not just to talk about financial reports, but to better understand the environment in which these organizations operate and the challenges they face (very intrusive registration process with police background checks, requests to change the name, the purpose of the organization or some of its board members, and heavy interference in the organization's operations ...). Such insights could feed in the political dialogue and support could be granted to ease negotiations with the authorities. The European Commission (EC) for example has a budget line for actions in the field of democratization and human rights in Laos. But to what extent does the EC address the problems that those receiving its funding have then to justify their activities to the authorities?

 

•  Missed opportunities and complicit silences: Many excuses are given for not engaging on human rights issues, such as "we work for development, not human rights", "we are not activists! ", " we favor our projects on the field", " we want to keep our good relationship with the government "...

In this development cooperation world, we spend a lot of time in meeting rooms. But this is also where we can act and stay true to our commitments. By attending a meeting we are liable in different ways:
It starts with the agenda : when the agenda does not cover some key issues and we do not raise it, we actively participate in occulting these.
Then regarding participation : when a discussion is held in the absence of civil society actors and we fail to mention it, we adhere to this fact.
Finally, the quality of discussion : when the subject is discussed only superficially or partially, and we do not address aspects being hidden, we accept that they are ignored. It is the weight of silence.

Too many agency representatives attend meetings without speaking out. They thus agree to the terms, the composition and the agenda of the meeting.


Keeping silent on abuses: When a popular radio program is banned, when villagers are arrested for demanding fair compensation after their land was taken away, or when people disappear for speaking out, we must use aid as a leverage and mobilize our relations with the government to raise these issues and address these abuses.

Silence is never neutral. Silence means taking sides. For the oppressors.

One word about corruption : For an aid agency to tolerate certain bad practices within its own projects (such as overbillings, misappropriation of small amounts, undue fees ...) is feeding the corruption , especially in a country without public scrutiny and where the notion of "accountability" is still vague...
In any project, it is possible to promote good practices and to set an example by inviting members of the community in which we work to attend meetings with government partners. Even if these people keep quiet, their attendance is useful for what they will hear. It promotes access to information and encourages dialogue between authorities and population. This is a way aid providers can promote a little more transparency and accountability. And in my experience, village representatives were rather active on these occasions!

Should we Remain Optimistic?

I am sometimes asked if I am still optimistic. Yes, of course I am! Not because I consider that aid is the solution, but because there are in Laos (and everywhere) committed men and women who are engaging each at their level and with their resources, working for a better future.

Sombath continues to be an inspiration to many in Laos and beyond. Those who struggle for justice, for sustainable development, for respect of fundamental rights deserve better than silence . Especially when they become victims of repression.

Land-grabbing and Criminalization of Environmental and Human Rights Defenders

Decision-makers generally still believe that the world food security requires the industrialization of agriculture. Recently the European Parliament recognized that this is a mistake. We would have reached this conclusion much earlier, would we have given the voice to farmers instead of listening to economists. Promote industrial plantations and agribusiness corporates to reduce poverty means encouraging monoculture over vast tracts of land local communities depend on as fields, pastures and forests. To feed the world, we need to invest in small farmers who already produce most of the world's food. Unfortunately subsistence agriculture does not translate in GDP...

The land allocated for economic development projects are almost always inhabited by local people. An analysis conducted on 73 000 mining, logging, agriculture, oil and gas developments in eight tropical forested countries showed that 93% of these concessions have been allocated on land inhabited by indigenous peoples and local communities. Only 7% of those operations are conducted on uninhabited land. This explains the growing number of conflicts between companies and local communities in this global competition for natural resources.

From January to June 2015 there were on average six people killed each month in Asia and Latin America in connection with land disputes . This does not include attempted murders. And these figures are well below the reality: this is limited to Asia and Latin America, and concerns only known cases. We must not forget that most of these murders are committed in isolated areas not easily accessible: for 2015 first semester, 90% of the victims belong to indigenous populations living in areas poorly connected to the rest the world, and who were targeted because they opposed mining operations, logging or industrial plantations on their ancestral lands. Although incomplete, the compiled data provide an alarming insight into the suffering of indigenous peoples and peasant communities. And this is a growing phenomenon: recently the death toll has raised to 3 murders a week according to Global Witness.

It is estimated that in this world, 2.5 billion people - including 370 million indigenous peoples - depend directly on their lands, their forests and their natural resources that they use and manage collectively. They help to protect more than 50% of the land surface. But they have formally recognized rights over 10% of these lands. This exposes a third of the world population to the risk of land grabbing by powerful actors. That's why the number of people killed, disappeared, tortured, arbitrarily arrested and detained, subject to false accusations, harassed or threatened in the context of struggles for land is constantly increasing.

In Laos, this reality is even more tragic : because affected populations cannot get together to protect their common interest collectively. People who resist land grabbing or are claiming fair compensation for their land can be accused of opposing a Party policy; if arrested, they will be treated as ‘enemy of the State' and won't have access to a fair trial.

This is why Sombath's contribution is so important: by allowing people to tell what makes them happy and what is source of suffering, he has facilitated the emergence of the Lao Vision for Development. Instead of banning it, this document should serve as a reference for development partners in Laos, because it truly reflects the aspirations of a diverse Lao population.

Show extracts of Happy Laos film with Sombath Somphone

Sombath Somphone Enforced Disappearance

Sombath was abducted three years ago after being stopped at a police post in Vientiane on the 15th of December 2012. Yes, there have been many reactions (especially in foreign capital cities), but ultimately this enforced disappearance does not seem to have had much impact on aid in Laos: it is business as usual with increasing aid budgets… Isn't it a way here again to favor indulgence of the international community?

Let me clarify that I am not (and have never been) in favor of cutting off all aid. I believe that this kind of measures is affecting vulnerable populations more than it affects a political elite. (Although one might ask whether aid is not also helping to keep a regime in power…)

However I am deeply convinced that international aid that does not take into account the Human Rights situation and keeps silent on the abuses is aggravating the problem.

In the case of Sombath and of others, - unfortunately Sombath is not the only victim of enforced disappearance in Laos - , it is of utmost importance that international community present in Laos clearly condemns his enforced disappearance. It is not enough to ask for an investigation. A clear condemnation is necessary to defend Sombath's legacy in the area of sustainable development. We cannot let propaganda damage Sombath's reputation and contribution to his country, and have rumors being spread on reasons justifying what happened to him, to the point that Sombath has become a taboo in his own country.

A clear condemnation of his enforced disappearance is also necessary to legitimate the engagement of those who are pursuing Sombath's work in Laos and who are facing risks until today.

 

Final words for my friend Sombath

 

They keep saying they don't know How long will this take

They keep saying they're investigating For the truth to be said?

It is more than three years now How long will this take

For answers we are still waiting For justice to be made?

 

So many have been asking They should know, let's make it clear

“Where is Sombath?” to no avail That time will not weaken us

From everywhere calls are coming They should know, let us not fear

But in Laos silence prevails That we will never give up.

 

 

Anne-Sophie Gindroz

http://www.rightsandresources.org/news/communities-as-counterparties/